Voila trois soirs de suite qu’il vient me voir. Trois soirs où ses gestes se transforment en habitudes. Une fois mis au lit, je peux apercevoir sa silhouette qui se dessine à travers la vitre. Et d’un habile mouvement de ses longs doigts, il déverrouille le loquet de l’extérieur. Il tire dans sa direction le battant. Et avec la plus grande précaution, enjambe l’encadrement de la fenêtre de des perches démesurées. En équilibre sur ces jambes relativement plus longues que son corps et sur sa canne de belle facture, il se glisse, la tête en avant, tel un serpent, dans ma chambre. Tout en prenant soin de maintenir son haut de forme de sa main libre. En prenant grand soin de bien refermer la fenêtre derrière lui, il pose un œil sur son costard de mauvais goût, couleur olive. Il réajuste son veston sur ses épaules et resserre légèrement le nœud de sa cravate. Puis d’un geste sec et nonchalant, il brusque son couvre chef avant de le redéposer sur sa tête. Lorsqu’il jette un petit regard sur sa droite et s’aperçoit que sa place l’attend. Son sourire aux dents longues et fines semble s’étirer légèrement lorsqu’il prend place en face de moi sur ma vielle rocking-chair. Cette ancienne chaise grossièrement retapée sert habituellement de « porte linge sale ». Mais étrangement, depuis quelques jours, j’ai tendance à la vider avant de me coucher. Jambes croisées et bras tendus le long des accoudoirs, son regard se porte pour la première fois dans ma direction. Ses deux yeux complètement noirs ne reflètent aucune émotion. Bien que ce soir là, la lune quasiment pleine leur donne une bien étrange clarté.
Et comme les soirs précédents, une nuit, des plus paisibles, peut prendre place. Une nuit d’un noir d’obsidienne, ou les rayons de lune ne parviennent pas à effleurer les paupières de mes yeux. Une nuit d’un silence abyssal, ou le sifflement du vent ne brusquera pas la fragilité de mes tympans. Une nuit de doux songes, ou les plus merveilleuses des choses s’accomplissent dans mes rêves. Une nuit d’un calme reposant, ou son sourire me fera oublier le plus infimes de mes soucis. Et dans quelques heures, mon réveil sonnera et je me lèverais avec une forme qui m’est bien étrangère mais tellement revigorante. Mais il ne sera plus là.
Non, il faut que j’agisse. Je ne peux pas me permettre d’être autant passif. Je me sens vraiment mal à son propos. Il me donne tant. Il fait tant pour moi. Il faut que je sache ce qu’il attend de moi. Je ne peux pas rester là a attendre, a prendre et a ne rien donner en retour. En me redressant pour me mettre en tailleur sur mon lit, je pris une grande respiration pour commencer la discussion. Comme si il connaissait mes pensées, comme s'il prévoyait mes faits, de sa chaise, il se pencha dans ma direction.
- Qu’attendez vous de moi ? le questionnais-je dans un souffle d’une discrétion sans pareille.
Sa tête vacilla légèrement sur un coté. Elle se remit en place brusquement dans un craquement d’os en même temps qu’il parla.
- Que veut tu dire ?
- Que… qu’est ce que je peux faire pour vous ? dis-je en essayant maladroitement de développer ma pensée.
Son sourire sembla se fendre encore plus qu’il ne l’était déjà, dans la mesure du possible.
- Tu m’offres le gîte pour la nuit, et de surcroît tu devrais me rendre un service ? Soit un peu logique, voyons. Je pense même que ça devrait être à moi de t’accorder une faveur. Que désires tu ?
Mes pupilles se dilatèrent alors que ces propos venaient jusqu'à mes oreilles. Je sentis mon intérieur qui bouillonnait devant les possibilités qui s’offraient à moi. J’avais bien conscience de ce que quelqu’un comme lui pouvait faire. Peu de choses lui étaient refusées. Et il se trouvait que j’allais pouvoir accéder a une infime partie de son pouvoir. Il ne me restait plus qu’à trouver le ticket gagnant. Dans mon cerveau les images se succédaient maintenant à une vitesse incroyable, à tel point que j’avais l’impression de ressentir le mal de mer. Mais dans chacune d’elle, il était question de vivre pleinement pour la première fois. Il était question d’ajouter à ma vie, la petite étincelle qui lui manquait. Et avec une expression compatissante sur le visage, il m’adressa la parole une dernière fois pour cette nuit.
- Prends tout le temps qu’il te faudra pour y réfléchir. Rien ne presse. Maintenant dors petite émeraude, dors.
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